Depuis début mars, l’indice Euro Stoxx 50 fait mieux que l’indice S&P 500. Avec l’atténuation du risque politique, les fondamentaux économiques plaident en faveur de l’Europe.
La rupture a eu lieu le 1er mars. Ce jour-là, l’indice S&P 500 atteignait un pic à 2.395 points, en hausse de 7 % depuis le début de l’année. Depuis, il est resté quasi stable (+0,2 %). Dans le même temps, l’indice Euro Stoxx 50 a progressé de 3 % jusqu’au 1er mars, avant de s’envoler de près de 8 % depuis. Au final, en 2017, l’Europe boursière bat les Etats-Unis, ce qui n’est pas si fréquent. La tendance va-t-elle perdurer cette année ? Plusieurs éléments plaident pour ce scénario.
Moins de risque
L’étau du politique se desserre enfin en Europe. Il a été « à l’origine d’une décote de valorisation vis-à-vis du marché américain », constate Nuno Teixeira chez Natixis AM. « Même si cette décote s’est en partie résorbée depuis les résultats du référendum italien de début décembre 2016, passant d’environ 25 % à 15 %, elle demeure supérieure à son niveau historique ».
Mais la victoire de Macron va changer l’appréciation des marchés. « Le résultat des élections a fini par désinhiber les investisseurs. Le politique n’a pas été le moteur de la croissance de la bourse cette année, mais un frein. Il a suffi de le desserrer pour que le moteur de la performance se réveille en Europe ». D’autant plus que la Grande Bretagne apparaît de plus en plus seule dans son rejet de l’Europe. « Comme en Espagne, en Italie, en Autriche et aux Pays Bas, il n’y aura pas, vraisemblablement, de parti populiste au pouvoir en France. Du fait de la disparition des risques extrêmes sur l’Europe notamment, le retour aux fondamentaux s’impose » selon Philippe Ithurbide chez Amundi
Les investisseurs ont déjà commencé, depuis quelques semaines, à revoir leur exposition sur l’Europe avec plus de 6 milliards de flux nets rentrant sur les actions européennes en 2017, après l’exode de 2016. « Beaucoup d’investisseurs, notamment internationaux, sont sortis des actions européennes en 2016, assez violemment, avec une décollecte de 100 milliards de dollars. Aujourd’hui, malgré la hausse récente des cours, la plupart ne sont pas encore revenus, mais cela pourrait changer. Je pense qu’il va y avoir une réallocation des flux avec la réduction de l’incertitude politique.». Ils pourraient notamment réduire leur exposition aux Etats-Unis, au profit de l’Europe, ce qui pourrait soutenir les cours.
Plus de profits
Enfin ! Les entreprises européennes confirment l’amélioration de leurs résultats et surtout leurs capacités à surprendre positivement les marchés. Le premier trimestre a montré une nette amélioration avec « plus de deux tiers des sociétés européennes qui ont dépassé les attentes au premier trimestre de 10 % en moyenne », selon Victoire de Trogoff chez Fidelity International. « C’est la meilleure campagne depuis 7 ans, voire même 10 an sur le plan des bénéfices » abonde Romain Boscher. « Les marchés se sont focalisés sur la campagne électorale, mais ce que l’on voit c’est que la campagne des résultats est plutôt bonne dans le monde et qu’elle est meilleure en Europe avec une croissance des bénéfices par action de plus de 20 % ».
Et ce n’est pas fini. Nuno Teixeira chez Natixis AM attend une croissance de 15 % des bénéfices par action cette année dans la zone euro, alors qu’Amundi vise une croissance à deux chiffres en 2007 et 2018, d’environ 30 % en deux ans.
Plus de croissance
Pour les investisseurs, l’amélioration des fondamentaux se lit aussi sur les statistiques économiques. Alors que la croissance ralentit aux Etats-Unis, dans l’attente du plan de relance de Donald Trump , l’Europe accélère. « La situation économique s’améliore, l’investissement repart à la hausse, les crédits bancaires progressent fortement ; idem pour le crédit aux PME-TPE, les indicateurs précurseurs sont à la hausse », liste Philippe Ithurbide chez Amundi. « Les fondamentaux économiques sont bons avec des indicateurs avancés, comme les PMI qui sont bien orientés », appuie Roland Kaloyan.
« Surtout, le risque de déflation qui a poussé, en partie, à la décollecte de 2016 sur les actions, s’est dissipé». L’économie européenne inspire de nouveau confiance dans un contexte de « reprise synchronisée du cycle de croissance mondial, une tendance à laquelle les entreprises européennes sont plus sensibles que leurs homologues américaines », apprécie Nuno Teixeira.
Seul soucis, à court terme, cette situation profite à l’euro face au dollar. Ce qui pourrait peser sur les entreprises locales. Malgré tout, juge Amundi, «le cycle économique européen, en retard sur celui des Etats-Unis, n’en est pas encore au stade où il pourrait générer des tensions inflationnistes ». La BCE devrait donc rester accommodante et ne pas relever ses taux avant de long mois, ce qui devrait limiter la pression sur l’euro.
La décote européenne
C’est l’atout dans la manche des actions européennes : leur valorisation par rapport aux actions américaines. « La zone euro reste attractive, même avec un PE de 15 fois (rapport entre les cours et les bénéfices par action », estime Roland Kaloyan. Si cela peut paraître élevé sur une base historique, le responsable stratégie européenne de la Société Générale relativise ce chiffre alors que «l’on sort d’une crise économique majeure qui a duré dix ans. On ne peut pas comparer avec les ratios de valorisations de ces dernières années qui sont biaisés. Or par rapport aux années 2000-2006, la zone euro supporte encore une décote de 7 %».
Autre facteur qui plaide en faveur de l’Europe, en termes de valorisation de l’actif net (price to book), le ratio de 1,7 X, fait aussi « apparaitre une décote historiquement élevée de 46 % par rapport au marché américain. Et si l’on regarde secteur par secteur, on constate que la décote existe aussi pour la pharmacie, l’énergie ou la consommation. Ce n’est donc pas une question de composition sectorielle des indices », explique Roland Kaloyan.
Conclusion de Romain Boscher, «En absolu, les actions européennes ont plus d’avantages que les américaines: elles sont moins chères, versent plus de dividende et le plus important, leur potentiel de croissance des profits est plus important. Car, contrairement aux Etats-Unis, au Japon ou même à certains émergents, l’Europe n’a toujours pas renoué avec ses niveaux de profit d’avant 2007/2008 ».
La Société Générale vise un objectif de cours à 4000 points sur l’Euro Stoxx et à 6.000 points sur le CAC 40. « Malgré le rally qui a démarré en mars, il y a encore un potentiel de hausse de 10 % sur les indices européens ».